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Caractérisation de la digue
Reconnaissance
Eric Bardou
La digue retenant le plan d'eau étudié consiste généralement en un assemblage de blocs chaotiques, où il est souvent difficile de se déplacer. La caractérisation de la digue se fait alors en quatre étapes :
- Une analyse géomorphométrique globale mettant en évidence principalement la revanche disponible et les cheminements préférentiels de l'eau en surface.
- Une caractérisation de surface des zones de faiblesses de la digue
- Une investigation de la profondeur
- Éventuellement une instrumentation des points critiques
Les 3 premiers points visent à fournir les paramètres à l'investigation géotechnique. Le dernier point peut déjà s'inscrire dans le système de pré-alerte (Early Warning System, EWS) et sera traité dans ce chapitre.
Morphométrie
La morphométrie consiste à analyser les formes du relief local. Dans le cadre de l'étude (pré-étude) d'une digue cette analyse doit se faire sur la base d'un modèle numérique de terrain (MNT) avec une résolution de l'ordre du mètre (voir plus petite). Les principes généraux de morphométrie et les algorithmes à utiliser sont présentés ici : morphométrie.
Investigations de surface
Outre l'acquisition d'un MNT de précision, les investigation de surface consistent principalement à mesurer les déformations superficielles de la digues. Pour réaliser ces mesures l'appui d'un géomètre (utilisation et exploitation d'un théodolite) ou d'un spécialiste en global navigation satellite system (GNSS) est nécessaire. Le lecteur trouvera plus d'information ici : déplacements
Investigations profondes
Les investigations profondes ne suivent pas chronologiquement l'analyse morphométrique. Elles doivent être définies en fonction des besoins de l'analyse de stabilité et de l'élaboration des scénarii, car elles représentent souvent un investissement important. Globalement ces investigations consistent :
- à identifier les circulations d'eau dans la digue;
- à trouver la position du substrat stable;
- à définir les caractéristiques des matériaux composant la digue;
- à mesurer les déformations.
Pour atteindre ces objectifs on utilisera des méthodes de géophysiques ainsi que des forages
Modes de rupture possibles de la digue
Norbert SA
Quatre types de ruptures peuvent affecter les barrages, qu’ils soient naturels ou artificiels. Si ces mécanismes sont a priori faciles à individualiser, une rupture réelle est en principe le résultat d’une conjonction de divers d’entre eux.
Rupture d’ensemble
Si la rupture totale est plutôt rare pour les digues artificielles, elle peut se produire dans le cas de barrages naturels. Cette rupture peut être initiée soit à partir du parement amont, soit depuis le parement aval.
Les cas de rupture d’ensemble à partir du parement aval sont liés à la charge hydraulique à l’intérieure de la digue. Ils sont favorisés par les facteurs suivants :
- Lorsque le profil de la digue est étroit et que ses parements sont raides.
- Lorsque l’hétérogénéité du barrage favorise une piézométrie élevée.
- Lorsque les caractéristiques des matériaux constituant la digue sont mauvaises (faible compacité, présence de niveaux argileux sous-consolidés, …).
Le cas de rupture d’ensemble à partir du parement amont est en général lié à une décrue rapide. Si lorsque le niveau de l’eau à l’arrière du barrage est élevé le barrage est saturé en eau, d’importantes sous-pressions peuvent se développer lors de la baisse rapide du plan d’eau. Le parement n’est alors plus stabilisé par la pression de l’eau et les terrains saturés se mettent à glisser.
Rupture par surverse
On parle de surverse lorsque l’eau déborde par-dessus le barrage. La séquence de rupture débute par l’érosion du pied du parement aval de la digue sous l’effet du courant, puis à partir de ce point de l’érosion régressive de la totalité du parement, en principe sous la forme de glissements de matériaux saturés dont le volume est croissant. La création d’une brèche provoque ensuite rapidement l’accélération du courant et la création d’une importante fosse à partir de part et d’autre de laquelle le barrage est érodé.
La littérature est avare en informations relatives à la hauteur d’eau et au temps nécessaires pour déclencher une surverse, de sorte que le principe de précaution conduit en général à considérer que les barrages en terrain meuble ne supportent pas la surverse. Néanmoins, on admet généralement que la résistance à la surverse diminue si :
- Les matériaux sont peu compacts (sable, …), ou si le barrage présente d’importants contrastes de compacité ;
- Si le profil en long de la crête du barrage montre d’importantes irrégularités susceptibles de concentrer les débits en cas de surverse.
Rupture par érosion interne (renard hydraulique)
L’hétérogénéité du barrage peut être la cause de cheminements préférentiels de l’eau à l’intérieur de celui-ci. Dans certains cas, le gradient hydraulique provoqué (qui dépend notamment de la nature des matériaux ainsi que de la charge hydraulique) peut conduire à l’érosion interne de la digue. Cette érosion crée des conduits le long desquels le gradient hydraulique et la vitesse de l’eau augmentent rapidement. De véritables galeries peuvent ainsi être créées, qui peuvent former une brèche dans le barrage lorsqu’elles s’effondrent.
Plusieurs facteurs peuvent favoriser la rupture par érosion interne, parmi lesquels :
- La présence d’excavations préexistantes dans la digue, au rang desquelles il faut citer les terriers d’animaux ou les conduits racinaires des arbres morts.
- L’hétérogénéité du barrage.
Rupture par érosion externes et affouillement
Le parement amont des barrages peut subir les effets des courants qui en érodent progressivement le pied, raidissant ainsi la pente locale et diminuant les caractéristiques mécaniques de la digue (principalement du fait de la saturation en eau des matériaux). Les glissements qui en résultent provoquent localement la formation de concavités, qui favorisent à leur tour les tourbillons et les érosions, accélérant ainsi la déstabilisation du barrage.
Plusieurs facteurs peuvent favoriser la rupture par affouillement :
- La vitesse moyenne de l’eau. Ainsi un barrage situé dans un rétrécissement du cours d’eau ou à l’extérieur d’un virage formé par celui-ci sera d’avantage exposé.
- La présence d’éléments susceptibles de créer des tourbillons locaux, par exemple des arbres ou des gros blocs.
- Les caractéristiques mécaniques du parement amont du barrage.
Liquéfaction de la digue ou des terrains de fondation (argiles sensibles), sollicitation sismique
Les barrages contenant une portion importante de matériaux à faible granulométrie sont susceptibles de rupture par liquéfaction. Lors de ce phénomène, la conjonction de la saturation du sol en eau et d’une contrainte cisaillante (par exemple lors d’un séisme) peut provoquer une perte de cohésion du sol, qui se comporte alors comme un liquide.
Les facteurs favorisant ce type de rupture sont principalement liés à la nature du barrage :
- La nature du sol (présence de particules à faible granulométrie),
- L’état de saturation du sol ainsi que sa résistance aux pressions interstitielles.
Conclusions
Les facteurs susceptibles d’aggraver les risques de ruptures sont toujours identiques, quel que soit le type de rupture considéré. Ils sont liés à :
- La géométrie du barrage (présence de points bas favorisant une surverse, profil en long du pied susceptibles de créer des tourbillons, …)
- L’hétérogénéité des matériaux qui le constituent (contrastes de compacité, présence de vides, de gros blocs, …
Il est facile à minimiser ces facteurs lors de la construction d’un barrage naturel. Par contre, ils sont en principe incontrôlables dans le cas de digues naturelles. Il est par conséquent indispensable de procéder à des reconnaissances pour connaître l’importance de ces facteurs aggravants.
Bibliographie
- Mériaux, P., Royet P. & Folton, C. 2001 : Surveillance, entretien et diagnostic des digues de protection contre les inondations. Guide pratique à l’usage des propriétaires et des gestinnaires. CEMAGREF Editions.
Analyse de stabilité
Type de mouvement analysé = glissement (ni fluage, ni coulée)
Paramètres influençant le glissement:
- Géométrie du massif
- Efforts sur le massif (surcharge, ancrages, etc.)
- Efforts dans le massif, dus à la masse des terre (gravité, séisme) et aux eaux souterraines (en écoulement ou non)
- Résistance au cisaillement des sols
Stabilité à court terme et à long terme:
Court terme (moment de modification des contraintes)
Dans le cas d’une digue (peu perméable) qui subit de nouvelles sollicitations (niveau de nappe modifiée) des modifications au niveau des pressions interstitielles (eau) vont apparaître dans la zone saturée et un certain laps de temps sera nécessaire avant leur dissipation. Cet instant particulier doit être vérifié…
Long terme (fin du régime transitoire)
Après dissipation des surpressions, retour à un régime permanent qui doit aussi faire l’objet d’une vérification
Analyse de stabilité
Cela consiste à déterminer les forces agissant sur l’ensemble de la masse potentiellement instable. Ces forces se composent de:
Forces motrices Forces stabilisantes
Le facture de sécurité FS au glissement le long d’une surface s’exprime:
*Soit par rapport à un rapport des contraintes
FS=τmax/τ
*Soit par rapport à un rapport des moments
FS=Moment stabilisant/Moment déstabilisant
* Soit par rapport à un rapport de force
FS=Force stabilisante/Force déstabilisante
En réalité, à titre indicatif, usage (attention en toute rigueur la définition des seuils dépend de la méthode de calcul choisie, du type d’ouvrage, de la fréquence des sollicitations, etc.)
- FS < 1 risque de rupture
- 0.9 < FS < 1.1 risque de rupture lente
- FS > 1.3 est admis suffisant pour une situation provisoire
- FS > 1.5 est admis suffisant pour une situation durable
L’approche selon les Eurocodes: vérification de l’état limite EL type3 en commençant par réduire les paramètres de sols, En Suisse, calcul avec valeur de calcul pour les paramètres de résistance (normes SIA 267 et 260, usuellement cd=ck/1.5 et tanφd= tang φk/1.2) et un facteur partiel minimal de 1 à 1.2.
Pente infinie et méthodes simplifiées
Pente infinie
Equations d’équilibre dans la direction N’ et T
N'=∆x h γ' cosα
T=∆x h γ' sinα
Contrainte de cisaillement (critère de Mohr-Coulomb)
Tf=c' ∆x/cosα+N' tanφ'
Facteur de sécurité
FS=Force stabilisante/Force motrice=Tf/T=c'/(h γ' cosα sinα)+(tanφ')/tanα
Méthodes simples et abaques pour les ruptures circulaires en terrain homogène Hypothèse d’une rupture plane = simplification extrême et qui conduit à une surestimation FS
Pour des massifs homogènes, les surfaces de ruptures observées sont plutôt curvilignes et peuvent être assimilées à un cercle.
Mouvement de type rotationnel sans déformation de la masse instable (hyp. de corps rigide)
Cas simple, massif purement cohésif, angle de frottement φ’= 0 [2]
Avec frottement, R résultante de la résistance due aux frottement le long de la surface de glissement [2]
Position et amplitude de R non connue a priori, divers auteurs ont fait diverses hypothèses simplificatrices (Taylor, Kérisel)
Exemple: abaques de Kérisel [5]
Méthodes des tranches généralités
Le massif instable est divisé en plusieurs tranches dont on étudie l’équilibre individuellement
Calcul main fastidieux
Logiciels disponibles (Slope, Talren, Larix, etc) Choix de familles de cercles de glissement, avec recherche du cercle minimal,voir ci-dessous
Exemple de calculs digue - effet de l'eau
Exemple d'évolution du facteur de sécurité lors de la vidange rapide d'une digue (repris de [6]
Situation retenue pleine
Vidange rapide (t=0)
Après abaissement du niveau d'eau dans le corps de la digue
Modélisation aux éléments finis
- Calcul en contraintes et déformations
- Milieu continu et hétérogène avec introduction explicite de plans de faiblesse, comme méthode des tranches
- Possibilité de vérifier la stabilité en 3D
- Pas d’estimation a priori de cercles de glissements ou autres, surface de rupture quelconque
Le facteur de sécurité peut être obtenu:
- En partant d’un état «service»
- En réduisant progressivement par exemple la cohésion et la tangente de l’angle de frottement, jusqu’à obtention d’un mécanisme de rupture
- Ex. logiciel Z_Soil [7] - évolution du mécanisme de rupture sous l'effet d'une pluie s'intensifiant, induisant une modification des conditions de saturation
Références pour analyse de stabilité [1] Mécanique des Sols, Recordon, EPFL, 1985 [2] Extrait du cours de mécanique des sols, Prof. Vulliet, EPFL, 2008 [3] Technologie et Mécanique des sols - Complément Dysli , EPFL, 1993 [4] Normes SIA [5] Kérisel – Simecsol, glissements de terrains, Dunod, 1967 [6] Logiciel Slope, exemples repris – www.geo-slope.com [7] Logiciel Z_Soil – www.zace.com et www.geomod.ch
Hydrogrammes correspondant aux modes de ruptures
Méthodes simplifiées
Eric Bardou
Des approches empiriques ont-été développées pour :
- Les lacs dont la digue de retenue est formée par le glacier
- Les lacs dont la digue de retenue est formée par un amas de débris rocheux/terreux
Les débits de pointe au droit de la rupture sont différents pour les 2 cas. Attention il s'agit d'estimation faite sur la base d'un catalogue d'événement où toutes les données n'étaient pas toujours disponibles.
Lacs glaciaires
\begin{equation} Q=75 \cdot (V/10^6)^{ 0.67} \end{equation}
où Q est le débit en m³/s, et V est le volume en m³ (Clague et Mathews, 1973)
Lacs bloqués par un glissement
\begin{equation} Q=6.3 \cdot H^{ 1.6} \end{equation} \begin{equation} Q=672 \cdot V^{0.56} \end{equation} \begin{equation} Q=181 \cdot (H \cdot V)^{0.43} \end{equation}
où Q est le débit en m³/s, H la hauteur de la digue en m et V est le volume en m³ (Costa, 1988)
Méthodes simplifiées pour les barrages artificiels
Paolo Ropele
Si on connait la hauteur d'eau
Si on connait le volume d'eau
La méthode simplifiée utilisée dans le Val D'Aoste
La brèche normalisée
Jérôme Dubois
Le débit initial de départ est dépendant de la forme de la brèche
Il est toutefois absolument nécessaire de connaître la structure de la digue
source : Appréciaitons du danger particulier à l'aide de calculs simplifiées de l'onde de submersion